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Quelques questions pour notre nouveau membre Louis-Thomas Kelly

ʳܲé: 13 November 2024

Portait de Louis-Thomas Kelly

Bienvenue à Louis-Thomas Kelly, nouveau membre du CRIEM!

Louis-Thomas a d'abord été chercheur en résidence au CRIEM à l'été 2023, pour faire son terrain comme candidat au Ph. D. à l'. Nous avions d'ailleurs produit une vidéo d'un avec lui. Nous l'accueillons maintenant comme membre étudiant. Pour souligner l'occasion, nous lui avons posé quelques questions.

Vous travaillez sur «l'urbanisme et le design comme moyen de questionner ouvertement l'espace public au patrimoine bâti colonial à Montréal». Pouvez-vous nous dire ce que cela implique?

Il n'est pas surprenant que le Canada soit un état colonial. Il n'est pas surprenant que le Canada ait une histoire troublante et génocidaire. Le problème, c'est que les gens ont tendance à associer ces deux choses au passé et à oublier qu'elles sont tout à fait contemporaines. Cela n'est nulle part plus évident qu'à l'extérieur, sur les places publiques de Montréal. Le colonialisme canadien n'est pas du passé, mais il est présent dans les bâtiments patrimoniaux, les mémoriaux, les monuments, les fontaines, les plaques, les statues, les œuvres d'art et les noms de rue qui dictent nos expériences de la ville. Ma recherche vise à donner aux gens la possibilité d'imaginer de nouveaux horizons pour cet espace public par le biais d'une planification et d'une conception urbaines collaboratives destinées à réfléchir de manière critique à cette présence coloniale et à donner une nouvelle vie à ces espaces.

Pourquoi Montréal est-elle un terrain fertile pour l'étude de la mémoire publique contestée? Comment Montréal se compare-t-elle aux autres grandes villes?

La croissance de Montréal comme ville est bien documentée par les universitaires. Alan Gordon a notamment écrit sur la construction de 40 monuments commémoratifs à Montréal entre 1890 et 1930. Le point principal du livre est d'associer ce «boom commémoratif» à la croissance de l'identité canadienne, qui n'existait pas encore dans le nouveau pays. Montréal a été l'épicentre canadien de la société, de la politique, de la culture et des conflits entre les deux communautés coloniales (anglophone et francophone) pendant de nombreuses années. Ces conflits anglo-français se sont manifestés de multiples façons, y compris par des monuments. Historiquement, les groupes d'intérêt des deux côtés de la ligne de fracture linguistique du Canada ont construit des monuments commémoratifs en l'honneur de leur vision de la nation. Tout cela pour consolider leur revendication d'identité nationale.

Vous utilisez également des méthodes créatives et artistiques de recherche participative. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Lorsque j'ai déménagé aux Pays-Bas pour mes études supérieures en urbanisme, je me suis retrouvé dans une impasse: je ne parlais pas le néerlandais, je ne pouvais pas communiquer avec les utilisateur.trice.s de l'espace public. Comment pouvais-je faire de la recherche participative sur des sujets controversés comme le colonialisme? Heureusement, j'ai découvert le travail de personnes de ma faculté () sur l'utilisation de méthodes créatives/artistiques de recherche participative en planification comme moyen d'intégrer l'émotionnel dans la recherche et de contourner les limites du langage grâce à la communication visuelle. Grâce à la recherche créative/artistique, nous pouvons travailler de manière académique sur des sujets complexes, tels que l'art, la mémoire et la politique de l'espace public, parce qu'elle permet de faire coïncider les expériences affectives avec la recherche. Pour simplifier à l'extrême quelque chose de très complexe, la mémoire est subjective, tout comme l'art, alors pourquoi ne pas les mélanger et concevoir une recherche basée sur ce que nous ressentons, plutôt que sur ce que nous savons et pensons.

Vous avez contribué au rapport final publié par le Bureau de l'interlocuteur spécial pour les enfants disparus et les tombes et lieux de sépulture non marqués associés aux pensionnats indiens. Que pensez-vous de la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada?

Au cours de mon travail de terrain pour mon doctorat sur la façon dont les gens utilisent les monuments à des fins (contre-)mémorielles, je suis tombé, à la , sur une cérémonie du feu sacré organisée par le  (BIS). La cérémonie du BIS visait à créer un espace sécuritaire pour les participants à la conférence qui se tenait à proximité. Elle devait également constituer une juxtaposition avec le monument Macdonald, également situé sur la Place du Canada, qui se trouvait à quelques mètres de là. Grâce au pouvoir d'une bonne coïncidence, je me trouvais à un degré de séparation des gens du BIS, et ils m'ont demandé de les conseiller sur le monument Macdonald, en particulier, mais aussi sur le rôle des urbanistes dans la résistance au colonialisme, en général. Pour la petite histoire, le monument Macdonald se trouve sur des milliers de tombes: avant d'être une place publique, le site était le cimetière catholique Saint-Antoine, qui servait notamment à enterrer les victimes du choléra. Suspect, vous ne trouvez pas?

Vous travaillez comme agent de développement pour la Concertation Ville Émard/Côte St-Paul. Comment votre travail et vos recherches se nourrissent-ils l'un de l'autre?

«Practice what you preach», comme on dit en anglais! Dans mon doctorat, je plaide en faveur de la recherche et de l'intervention communautaires. Par conséquent, en dehors du domaine universitaire, je soutiens activement le travail communautaire et je crois au pouvoir du secteur civique montréalais.

Une journée parfaite à Montréal?

Je travaille de 9 à 5 pendant la semaine, et le samedi j'ai tendance à travailler sur mes études, ce qui fait que le dimanche est le jour où je peux faire exactement ce que je veux. Ma routine du dimanche, peut-être plus un rituel, est la suivante:

  1. Je me rends sur la rue Jean-Talon et je déjeune en solo dans l'un des restaurants vietnamiens du quartier (soit un banh mi, soit un pho).
  2. Je vais au marché Jean-Talon pour acheter des fruits, des légumes, de la viande et des fruits de mer, à des gens qui prennent soin de leur métier et qui croient en leurs produits.
  3. Je descends le boulevard Saint-Laurent avec mes sacs vers ma maison dans le Mile End, et je m'arrête toujours au Caffe Italia, et je m'assois au bar pour un café, et pour m'imprégner de l'atmosphère.
  4. De retour sur le plateau, je m'assois au Parc Lahaie ou au Square St Louis et je regarde le monde passer ou je lis un livre.

3 symboles incontournables?

  • Aucun site ne représente mieux la mémoire de Montréal que la . On y trouve l', la première œuvre d'art publique de Montréal (la en l'honneur de la conquête navale britannique) et le , un contre-mémorial destiné à contester la présence de Nelson. Cela nous montre les couches de l'histoire à Montréal, mais aussi comment l'espace public et les monuments sont des objets de conflit politique, ainsi que des sujets de notre imagination.
  • et à côté... Des monuments en disgrâce, des monuments à la guerre coloniale, une statue d'un sans lien avec le Canada, une statue d'un Premier ministre francophone (), et enfin une vaste . Il y a aussi un canon de Sébastopol, en Crimée, offert par la reine Victoria. Ce site est fascinant et résume parfaitement le nationalisme canadien. Ce site est radioactif en termes de politique, de mémoire et de conflit.
  • La : un rappel de la soumission persistante du Canada à la Couronne britannique. Le colonialisme est bien vivant au Canada, et Victoria en est l'incarnation.

Quels sont vos quartiers préférés?

  • La Petite Italie !
  • Plateau-Mont-Royal, plus précisément le Mile End.
  • Promenade Wellington à Verdun. Imaginez une rue entièrement piétonne toute l'année. Magnifique. Croisons les doigts.

Références sur la mémoire publique, la mémoire contre-publique et la recherche participative communautaire:

  • Young, J. (1992). “”. Critical Inquiry 18, no.2, 267-296.
  • Stevens, Q., Franck, K., & Fazakerley, R. (2012). “”. The Journal of Architecture 23, no.5, 718-739.
  • Stevens. (2019). “Designing for Difficulty: Agonistic Urban Design”. Édité par Q. Stevens & P. Aelbrecht. . Milton Park: Routledge.
  • Cento Bull, A., & Clarke, D. (2021). “”. Constellations 28, no.2, 192-206.
  • Cento Bull, A., Hansen, H., & and Colom-González, F. (2022). “Agonistic Memory Revisited”. Édité par Stefan, Berger. & Wult, Kansteiner. , 13-38. Palgrave Macmillan.
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