Les 40 ans de loyaux services de la salle Pollack (article de Christoph Huss, Le Devoir)
L’École de musique Schulich de l’UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř s’apprĂŞte Ă honorer l’un de ses outils les plus performants. C’est le 10 avril 1975 qu’a Ă©tĂ© inaugurĂ©e la salle Pollack. Avec ses 600 places, elle a rendu de fiers services Ă la musique Ă MontrĂ©al.
La salle de la rue Sherbrooke est dĂ©nommĂ©e d’après Maurice Pollack (1885-1968), un Canadien d’origine ukrainienne qui a fait fortune dans le commerce Ă QuĂ©bec, oĂą il s’était Ă©tabli en 1902. Sa richesse lui permit de crĂ©er en 1955 une fondation dĂ©volue Ă la philanthropie. Cette fondation aida l’UniversitĂ© Laval, l’Orchestre symphonique de MontrĂ©al et de QuĂ©bec, l’HĂ´pital juif de MontrĂ©al et l’UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř. C’est en 1966 que fut dĂ©cidĂ©e la construction d’une salle de concert Ă l’UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř. Maurice Pollack n’en vit pas le parachèvement.
Une salle dans le paysage montréalais
La salle Pollack joue un rôle important dans l’écologie des salles de concert à Montréal. L’acoustique y est excellente et, avec sa jauge de 600 places, elle a été un écrin de choix pour les récitals de piano, de musique de chambre, les concerts d’orchestres dechambre (I Musici, par exemple). Jusqu’à très récemment, elle représentait l’option naturelle pour les organismes présentant des concerts trop intimes pour la salle Wilfrid-Pelletier (3200 places) ou le théâtre Maisonneuve de la Place des Arts (1450 sièges).
La salle de 1000 places Ă MontrĂ©al est la salle Claude-Champagne Ă l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. Le lieu comparable Ă Pollack est Pierre-Mercure Ă l’UQAM, avec 550 sièges. Ă€ şŁ˝ÇÉçÇř, la salle Pollack, rĂ©novĂ©e en 2000, a une petite soeur, la salle Redpath : 350 places.
Depuis 2011, le paysage a changé, avec l’ouverture, presque simultanée, de la Maison symphonique de Montréal (1800-2100 places) et de la salle Bourgie (400). Cette dernière a récupéré bien des concerts jadis hébergés à Pollack. Depuis quelque temps auparavant, les organisateurs de concerts se plaignaient que l’on donne les disponibilités des salles Redpath et Pollack tardivement, dans des délais de plus en plus incompatibles avec une programmation, plus en amont, de la saison d’une institution musicale.
Sean Ferguson, doyen de l’École de musique Schulich, est bien au fait de ces doléances mais fait remarquer que, « si à la Maison symphonique le “first call” est à l’Orchestre symphonique de Montréal, à la salle Pollack ce sont toutes les activités pédagogiques ». À cela s’ajoute le fait que « le nombre d’étudiants et celui des activités à l’École de musique ont beaucoup augmenté depuis 20 ans ». Il y a désormais « 700 événements publics dans les salles de concert » de l’École de musique Schulich.
Même si la mission première est avant tout « une mission académique », la salle Pollack reste très attirante pour certains organismes, comme le Ladies’ Morning Musical Club qui a plus d’abonnés que la salle Bourgie ne compte de sièges. Cela dit, résume le doyen Ferguson, « l’objectif n’est pas d’entrer en concurrence avec d’autres salles ». Il remarque que les institutions vont et viennent : « J’ai connu la SMCQ à la salle Pollack ; ils sont désormais à Pierre-Mercure. À l’inverse, le festival Montréal baroque, qui se tenait dans le Vieux-Montréal, est désormais ici. »
Souvenirs
Pour fĂŞter les 40 ans de la salle Pollack, şŁ˝ÇÉçÇř prĂ©sentera vendredi et samedi un concert de l’Orchestre symphonique şŁ˝ÇÉçÇř dirigĂ© par Alexis Hauser. Le programme comprend une crĂ©ation mondiale du compositeur en rĂ©sidence pour l’annĂ©e 2014-2015, le Franco-BrĂ©silien Francisco Ferro, ainsi que Spheres in Orbit d’Alexander Brott, parce qu’« il est une figure phare dans l’histoire de la facultĂ© et [que] nous fĂŞtons son centenaire », souligne le doyen Ferguson, dĂ©sireux de « marquer [leur]
relation avec la famille Brott ». Victor Fournelle-Blain, Prix d’Europe 2013 et gagnant du Concours de concerto de şŁ˝ÇÉçÇř en 2014, jouera le Concerto pour violon de Mendelssohn et Alexis Hauser dirigera Mort et transfiguration de Richard Strauss.
Témoins de l’histoire de la salle depuis ses débuts, Claude Gingras (La Presse) et Arthur Kaptainis (The Gazette) ont été invités à écrire chacun un texte qui sera reproduit dans le programme de la soirée, témoignant ainsi des riches heures de la salle Pollack.
Claude Gingras se rappelle dans sa « salle prĂ©fĂ©rĂ©e » « la production de l’opĂ©ra fĂ©erique de Britten, A Midsummer Night’s Dream, en 1993, oĂą l’équipe d’Opera şŁ˝ÇÉçÇř avait conçu un vaste espace scĂ©nique entièrement ouvert sur la salle »,mais aussi « l’intĂ©grale des 32sonates pour pianode Beethoven, prĂ©sentĂ©e par Anton Kuerti en huit programmes, en 1978 et 1979 ». Autre moment fort, une « authentique première locale » que furent « les 15 quatuors Ă cordesde Chostakovitch jouĂ©s par le Fitzwilliam, de Londres, en cinq programmes, en septembre 1980 ».
De son côté, Arthur Kaptainis note que « personne ne glose sur l’acoustique de la salle Pollack, ce qui est la meilleure preuve de sa parfaite neutralité ». Son plus grand souvenir y est la présentation de la 8e Symphonie de Bruckner en 1992 par Georg Tintner. Citant la manière dont « Louise Bessette donna du sens aux infiniment rébarbatives Neuf fantaisies d’Elliott Carter », le journaliste de The Gazette, qui, comme nous, goûte l’opéra dans ce cadre intime, qualifie Pollack de « temple de la musique de chambre ».
C’est bien dans ce domaine que la salle Pollack restera toujours, au-delà de sa mission première de subvenir aux besoins des spectacles universitaires, un havre incontournable.