Le prix de la dĂ©couverte scientifique de l’annĂ©e 2021 QuĂ©bec Science a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ© Ă l’équipe de Jean-Jacques Lebrun, de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř (IR-CUSM), pour avoir mis au jour les mĂ©canismes gĂ©nĂ©tiques Ă l’œuvre dans les cancers du sein triple nĂ©gatifs et dĂ©couvert une polythĂ©rapie ciblĂ©e prometteuse.
Depuis 29 ans, le magazine QuĂ©bec Science poursuit la tradition : chaque automne, un jury de chercheurs et de journalistes sĂ©lectionne les 10 dĂ©couvertes quĂ©bĂ©coises les plus impressionnantes de la dernière annĂ©e et le public est ensuite invitĂ© Ă voter pour celle de son choix. Cette annĂ©e, c’est la dĂ©couverte ayant permis la mise au jour des mĂ©canismes gĂ©nĂ©tiques Ă l’œuvre dans les cancers du sein agressifs dits triple nĂ©gatifs, et la dĂ©couverte d’un nouveau traitement prometteur qui a obtenu la faveur des lecteurs dans le cadre du concours des dĂ©couvertes de l’annĂ©e 2021.Ěý
Chaque jour, 75 Canadiennes reçoivent un diagnostic de cancer du sein et 15 en meurent. Ă€ ce jour, aucun traitement ciblĂ© contre la forme la plus agressive de la maladie n’existe, mais grâce Ă la dĂ©couverte de l’équipe de Jean-Jacques Lebrun, M. Sc., Ph. D., chercheur Ă l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř (IR-CUSM), les choses pourraient changer.Ěý
Et si on repartait Ă zĂ©ro ?Ěý
C’est un peu ce que s’est dit Jean-Jacques Lebrun en s’attaquant au cancer du sein « triple nĂ©gatif », l’une des formes les plus agressives de la maladie. Il reprĂ©sente environ 15 % des cas, mais il est responsable de la moitiĂ© des dĂ©cès. « Les seuls recours sont la chimiothĂ©rapie et la radiothĂ©rapie, qui fonctionnent mal. Le risque de mĂ©tastases et de rĂ©cidive est Ă©levĂ© », explique le chercheur.Ěý
Pour trouver le talon d’Achille de ces tumeurs, son Ă©quipe a passĂ© au peigne fin la totalitĂ© de leur gĂ©nome afin de trouver les gènes qui jouent un rĂ´le prĂ©dominant dans le processus tumoral. L’équipe a cultivĂ© en laboratoire des cellules cancĂ©reuses issues de patientes atteintes de cancer du sein triple nĂ©gatif et a « Ă©teint » un par un leurs 20 000 gènes Ă l’aide de la technologie CRISPR-Cas9 – c’est-Ă -dire avec des sortes de « ciseaux gĂ©nĂ©tiques ». Ces cellules cancĂ©reuses ont ensuite Ă©tĂ© transplantĂ©es dans des glandes mammaires de souris. Tandis qu’elles se multipliaient, les chercheurs ont pu dĂ©duire la capacitĂ© de chaque gène Ă ralentir ou Ă bloquer le dĂ©veloppement de la tumeur.Ěý
L’équipe a mis le doigt sur deux voies de signalisation prĂ©pondĂ©rantes, c’est-Ă -dire deux « rĂ©seaux » de gènes qui modifient le comportement des cellules. L’une d’elles, la voie mTOR, est connue pour ĂŞtre dĂ©rĂ©gulĂ©e dans plusieurs cancers et pour favoriser la prolifĂ©ration anarchique. L’autre, la voie Hippo, est Ă l’inverse une voie protectrice : en temps normal, elle prĂ©munit les cellules contre le dĂ©rapage tumoral.Ěý
Les chercheurs ont ensuite testĂ© des mĂ©dicaments susceptibles de cibler ces voies et en ont trouvĂ© deux efficaces : la torin 1, un mĂ©dicament de deuxième gĂ©nĂ©ration connu pour bloquer la voie mTOR, et la vertĂ©porfine, un mĂ©dicament normalement utilisĂ© pour une maladie de la rĂ©tine et qui peut activer la voie Hippo. Après les avoir testĂ©s sur des cellules cancĂ©reuses provenant de centaines de patientes affectĂ©es par diffĂ©rents sous-types de cancers triple nĂ©gatifs, les chercheurs ont dĂ©couvert que les deux mĂ©dicaments administrĂ©s ensemble avaient un effet supĂ©rieur Ă la somme de leurs effets individuels, et parvenaient Ă Ă©radiquer la tumeur.Ěý
PubliĂ©s dans Nature Communications, ces rĂ©sultats sont le fruit de cinq ans de labeur. L’étape suivante sera de mettre sur pied des essais cliniques, une tâche Ă laquelle s’attelle M. Lebrun.Ěý
« Le cancer nous touche tous de près ou de loin et chaque annĂ©e, nous remarquons que les lecteurs sont sensibles aux avancĂ©es qui concernent l’oncologie. Cette dĂ©couverte est encourageante car elle s’accompagne d’un espoir concret de traitement », commente Marine Corniou, journaliste et rĂ©dactrice en chef adjointe de QuĂ©bec Science.Ěý
« C’est un honneur de remporter ce prix du public avec une dĂ©couverte en recherche fondamentale. Ă€ ce jour, très peu d'Ă©tudes ont utilisĂ© le criblage gĂ©nĂ©tique in vivo CRISPR Ă l'Ă©chelle du gĂ©nome entier, et la nĂ´tre souligne la puissance et la robustesse de cette technologie pour identifier des modalitĂ©s thĂ©rapeutiques innovantes et cliniquement pertinentes dans le domaine du cancer. On sait que beaucoup de mĂ©dicaments Ă©chouent en phase clinique, mais je suis optimiste, car nous sommes partis du mĂ©canisme pour trouver une solution concrète », mentionne Jean-Jacques Lebrun, scientifique senior au sein du Programme de recherche sur le cancer Ă l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř et professeur de mĂ©decine Ă l’UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř.Ěý
« Au nom de toute la communautĂ© de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř, je tiens Ă fĂ©liciter le Dr Lebrun et son Ă©quipe pour cette dĂ©couverte porteuse d'espoir. Nous sommes fiers d'offrir Ă des chercheurs comme le Dr Lebrun un environnement qui rĂ©unit la recherche biomĂ©dicale et la mĂ©decine clinique. En tant que plus grand institut de recherche en milieu hospitalier au QuĂ©bec, l'IR-CUSM accĂ©lère l'application des dĂ©couvertes fondamentales en santĂ© publique, contribuant ainsi Ă l'amĂ©lioration de la santĂ© des enfants et des adultes tout au long de leur vie », dit la Dre Rhian Touyz, directrice exĂ©cutive et scientifique en chef de l'IR-CUSM.Ěý
Ont aussi participĂ© Ă la dĂ©couverte : Meiou Dai, Gang Yan, Ni Wang, Girija Daliah, Sophie Poulet, Julien Boudreault et Suhad Ali (Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř), et Ashlin M. Edick et Sergio A. Burgos (UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř).Ěý
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Ă€ propos de QuĂ©bec ScienceĚý
Lien privilĂ©giĂ© entre le milieu de la recherche et le grand public, le magazine QuĂ©bec Science aborde toutes les questions relatives Ă la science et Ă la technologie et pose un regard scientifique sur les grandes questions d'actualitĂ©. Il est publiĂ© par VĂ©lo QuĂ©bec Éditions (huit numĂ©ros chaque annĂ©e) et vendu en kiosque au coĂ»t de 7,95 $ et par abonnement. QuĂ©bec Science reçoit un soutien financier du ministère de l'Économie et de l'Innovation du QuĂ©bec et du gouvernement du Canada.Ěý
À propos de l’IR-CUSM
L’IR-CUSM est un centre de recherche de rĂ©putation mondiale dans le domaine des sciences biomĂ©dicales et de la santĂ©. Établi Ă MontrĂ©al, au Canada, l’institut, qui est affiliĂ© Ă la facultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© şŁ˝ÇÉçÇř, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santĂ© şŁ˝ÇÉçÇř (CUSM) – dont le mandat consiste Ă se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communautĂ©. L’IR-CUSM compte plus de 450 chercheurs et environ 1 200 Ă©tudiants et stagiaires qui se consacrent Ă divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santĂ© Ă©valuative aux sites Glen et Ă l’HĂ´pital gĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des dĂ©couvertes destinĂ©es Ă amĂ©liorer la santĂ© des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du QuĂ©bec – SantĂ© (FRQS).
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Sur la photo de gauche à droite : Girija Daliah, assistante de recherche ; Gang Yan, doctorante ; Sophie Poulet, doctorante ; Julien Boudreault, doctorant ; Meiou Dai, associée de recherche et première auteure de l'étude ; Yi-Ching Tsai, étudiante à la maîtrise ; Ni Wang, associée de recherche ; Jean-Jacques Lebrun, chercheur principal de l'étude.